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Décryptage : l’affaire Téléfoot
Quelques mois seulement après son lancement, la chaîne telefoot, qui avait acquis les droits de diffusion de la ligue 1 et de la ligue 2, a été contrainte de fermer ses portes. Confronté à de trop nombreuses difficultés financières, le groupe sino-espagnol mediapro, qui a créé cette antenne, s’est retrouvé dans l’incapacité d’honorer ses engagements financiers envers la lfp. Cette crise a provoqué une marée médiatique sans précédent, ainsi que des réactions diverses de la part de tous les protagonistes de l’univers médiatique et sportif. Décryptage !
Mediapro vs lfp : que s’est-il réellement passé ?
Suite à un appel d’offres lancé par la LFP en 2018, le groupe sino-espagnol Mediapro s’est approprié 80 % des droits de diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2, moyennant une somme record de 800 millions d’euros par an. Une fois ce partenariat acté, Mediapro a créé une chaîne spécialisée, baptisée Telefoot. Celle-ci avait pour activité principale la couverture intégrale des championnats Ligue 1 et Ligue 2 et proposait aux téléspectateurs des formules d’abonnement remarquablement abordables, présentées comme suit :
- Pass Mobile Telefoot au prix de 14,90 euros/mois ;
- Chaîne Telefoot seulement au prix de 25,90 euros/mois ;
- Pack Telefoot + Netflix au prix de 29,90 euros/mois.
En quelques mois, Telefoot a pu regrouper 280 000 abonnés payants, ce qui constitue un début prometteur pour une nouvelle chaîne, venue concurrencer des mastodontes médiatiques tels que Canal+ ou encore Bein Sport France.
Néanmoins, à la surprise générale, le groupe Mediapro a demandé à la LFP la renégociation de la valeur du contrat, pour la saison 2020-2021. De même, le groupe n’a pas pu honorer les échéances de paiement pour les mois d’octobre et décembre, dont la valeur est estimée à 325 millions d’euros.
Pour les responsables de Mediapro, la demande de révision de l’accord avec la LFP est totalement justifiée. L’absence du public dans les stades, la baisse des revenus publicitaires, la fermeture des bars et restaurants, etc. Plusieurs facteurs ont fait que Telefoot n’a pas pu atteindre les objectifs fixés. La chaîne a, dès lors, subi des pertes conséquentes. Des pertes que beaucoup d’experts justifient notamment par les prix d’abonnement, jugés élevés comparativement au contenu proposé, surtout quand on sait que d’autres diffuseurs proposent des offres bien plus intéressantes d’un point de vue commercial.
Quel impact sur le football français ?
Depuis le début de la pandémie inhérente à la Covid-19, les clubs français se sont vus priver de leur rentrée d’argent principale, qu’est la billetterie du stade. Ils espéraient alors compenser légèrement les pertes encourues grâce aux droits de diffusion télé. Mais, c’était sans compter sur la faillite de Telefoot qui a réduit cet espoir à néant. Cette situation chaotique a poussé la LFP à contracter, en octobre 2020, un emprunt afin de sauver les meubles. Or, cet emprunt va malheureusement entraîner plusieurs clubs dans le rouge ! Certains clubs comme l’Olympique Lyonnais ont anticipé la crise en passant des partenariats avec Amazon, Netflix ou encore Aliexpress.
Une crise à laquelle il fallait s’attendre
En 2019, Mediapro accusait déjà une dette de 727 millions d’euros. Cet endettement a poussé l’agence de notation financière, Moody’s, à lui attribuer la note B3, généralement réservée aux entreprises à haut-risque et dont la situation financière peut entraver le remboursement d’éventuelles créances.
Dans une déclaration à l’AFP, le professeur de management des entreprises de sport, Joan Celma, a expliqué que le volume de droits de diffusion sportifs que Mediapro a acquis était bien au-dessus de ses moyens actuels. Il a ajouté que le pari de Mediapro était beaucoup trop risqué et que le groupe a tout simplement eu « les yeux plus gros que le ventre ».
Tous ces signaux laissaient prévoir qu’un partenariat LFP/Mediapro était impossible pour l’instant.
Quelles sont les issues possibles à cette crise ?
En plus de contracter un prêt, la LFP a remis sur le marché les droits de diffusion abandonnés par Telefoot. Une démarche qui vise avant tout à réengager les acteurs « traditionnels » que sont Canal+ et Bein Sport France. Malheureusement, cette démarche n’a suscité que très peu d’enthousiasme.
Considéré comme un partenaire historique de la LFP, le groupe Canal+ a été le premier à réagir. Son directeur général Maxime Saada a déclaré dans une interview accordée au Figaro : « côté Canal nous pensons que la Ligue 1 est subventionnée depuis de nombreuses années et qu’aucun diffuseur n’a pu la rentabiliser». Il a ajouté également « J’estime que le produit L1 a été dégradé dans l’absolu pour des raisons conjoncturelles. Tout d’abord la diffusion sur Telefoot, la chaîne de Mediapro, a fortement réduit l’exposition de la compétition et, par ailleurs, l’arrivée de Mediapro a contribué à la croissance exponentielle du piratage. La valeur de la ligue 1 a également baissé pour Canal+ ».
Pour sa part, Bein Sport France vient de décrocher un contrat juteux pour la transmission de la Champions League, jusqu’en 2024. Un investissement de taille qui rend peu probable la possibilité de candidater pour les droits de la Ligue 1.
La crise de Mediapro a eu également des répercussions sociales très négatives. Dans une année chaotique sur le plan économique, le groupe s’est vu contraint de supprimer environ 90 emplois. Des emplois occupés, pour la plupart, par des prestataires techniques qui s’occupaient de la diffusion des matchs de Ligue 1 sur Telefoot.
Alors que Jaume Joures, le directeur de Mediapro, avait promis un soutien total à ses ex-employés, ces derniers se sont vus proposer un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) qu’ils ont jugé insuffisant et ne correspondant pas du tout à l’image du groupe. Pour protester, ils se sont tous regroupés devant le siège de Mediapro à Aubervilliers en région parisienne.
Mot de la fin
Le conflit Mediapro/LFP a mis la lumière sur l’ampleur du marché de l’audiovisuel en France et des enjeux financiers très importants qu’il implique. Le secteur connaît un tel dynamisme qu’il constitue un vivier d’emploi des plus intéressants pour les jeunes cadres.
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