L’INFO DES MéDIAS
Les 7 nouvelles formes de journalisme issues du numérique
Pour Julien Kostrèche, co-fondateur de Ouest Médialab, il existe aujourd’hui 7 nouvelles formes de journalisme concomitantes à la révolution numérique.
À l’occasion du Web2day, Kostrèche est intervenu pour étayer sa vision de ce que sera le journalisme de l’ère numérique. L’ISCPA fait le tour de la question.
Le journalisme conversationnel
Passer d’un journalisme qui délivre l’information à un journalisme qui crée la conversation avec l’audience est le nouveau mantra de la presse pour renouveler son engagement avec le public. C’est l’avis de James Carey, professeur de journalisme à l’Université de Columbia. Ce n’est un secret pour personne : les ventes des supports de presse traditionnels sont en chute libre depuis que Google News, Apple News et les réseaux sociaux ont pris le relais de l’information gratuite et à la demande. Aujourd’hui, tout le monde a le potentiel et les moyens techniques de relayer l’information : il suffit d’avoir un smartphone connecté pour réaliser un « live coverage » sur YouTube ou Facebook, pour ne citer qu’eux.
Si le journalisme conversationnel existe aujourd’hui, c’est grâce au web et au développement des livechats. Le principe est de permettre à l’audience de réagir à l’information, de poser des questions et poster des avis. Dans le cadre de sa présentation, Julien Kostrèche cite l’exemple de « La vie du coin », qui sélectionne les réponses de son public et réemploie donc le contenu pour en faire de l’information. Ainsi, les interactions du public sont valorisées et constituent une autre source pour les journalistes, quand elles sont pertinentes. Finie la pratique du journalisme en vase clos, les journalistes doivent désormais co-créer du contenu avec leur audience.
Le journalisme liquide
Du point de vue de la sociologie, une société liquide est une société sujette à des mutations si constantes et rapides qu’elle ne peut garder sa forme longtemps. Elle se transforme au gré des tendances et des avancées… Elle est liquide. Partant de ce même principe, l’introduction des outils digitaux a changé la manière dont on accède, consomme et partage l’information. Et cela n’a pas manqué de changer de fond en comble les principes mêmes du journalisme traditionnel.
Le journalisme d’aujourd’hui se doit d’être, comme la société, liquide. En d’autres termes : proposer un flux continu d’informations co-créées avec l’audience et prenant en compte ses intérêts. Des portails comme Buzzfeed, Vice et Melty ont changé les règles établies par la presse spécialisée et proposent une nouvelle formule basée sur le mélange des genres : du reportage à l’article tabloïd, le tout servi sur la même table.
Le journalisme live
Periscope, Facebook Live, YouTube Live, Twitter… Le live broadcasting, longtemps apanage des grands groupes médiatiques disposant des moyens de retransmission en direct, devient le live stream, accessible à tous. Ce que cela change ? D’abord, la démocratisation de l’accès à l’information, notamment car le smartphone a remplacé l’onéreux camion de retransmission des chaînes de télé. Ensuite, la manière de consommer le reportage vidéo : il n’est plus nécessaire de monter et d’adapter, le public est friand d’images brutes, sans fioritures, pour se faire sa propre opinion sur l’événement.
Le journalisme au long cours
Sur le net, il n’y a pas de place que pour les petits formats consommables sur le pouce. Si le contenu est de qualité, il trouvera audience même s’il est en format long. Les podcasts sont particulièrement révélateurs de cette tendance. Aux États-Unis, le podcast fait des stars, comme Joe Rogan, comédien et commentateur de combats UFC. Grâce à un style décontracté, un parler-vrai et des invités de tout premier plan (Elon Musk, Jordan Peterson, Mike Tyson…), ses audiences se chiffrent en millions de téléchargements par mois, sur des podcasts qui durent entre 2 et 4 heures !
Le journalisme collaboratif
Des projets pionniers comme « Pressformore » ont tenté l’expérience de faire travailler journalistes et audience main dans la main pour créer du contenu informatif. Face à la méfiance de certains pans du public vis-à-vis des médias grand public, qu’ils accusent de parti pris, les plateformes de journalisme collaboratif, ou citoyen, ont commencé à voir le jour. C’est ce qu’a fait par exemple Olivier Berruyer. Mécontent du traitement des médias grand public français du dossier ukrainien, il a décidé de lutter contre la « désinformation » et la « non-information », rapporte Mediapart. Sa démarche a consisté à proposer aux lecteurs de contribuer gratuitement à l’information sur les événements d’Odessa.
Le journalisme collaboratif, c’est aussi l’entraide en réseau des professionnels de l’information pour diffuser une info vraie. Récemment, c’est grâce au concept de journalisme collaboratif que l’affaire des « Panama papers » a été révélée au grand jour. Plus d’une centaine de médias internationaux, réunis en réseau sous la coupole du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont pu analyser les millions de documents incriminants de la société panaméenne Mossack Fonseca pour faire éclater l’affaire.
Le data-journalisme
Le principe du journalisme de données n’est pas nouveau, mais il s’est néanmoins développé de manière spectaculaire avec l’introduction du Big Data. Son objectif est d’analyser les données pour les rendre accessibles au public. L’importance du data-journalisme réside dans le fait qu’aujourd’hui, il y a surabondance d’information. Alors que le travail du journaliste d’antan était de collecter l’info, il faut aujourd’hui la traiter et la structurer par ordre de pertinence. Cela n’aura pas été possible sans le recours aux nouvelles technologies comme « Flint », un robot virtuel personnel qui propose de sélectionner les articles d’intérêt pour le lecteur en en analysant des milliers chaque jour.
Le journalisme immersif
Le journalisme immersif est possible grâce au recours à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée. Son principe est de faire vivre l’information de manière marquante à l’audience en créant un sentiment d’immersion. En d’autres termes : le public a l’impression de faire partie de l’événement car il peut interagir avec l’environnement. YouTube propose d’ores et déjà des vidéos immersives à 360°, et le New York Times a lancé une application qui diffuse des reportages en réalité virtuelle. Il s’agit d’une expérience sensorielle de l’information qui fait en outre évoluer la narration en fonction des réactions de l’utilisateur et de l’environnement où il se trouve.
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