L’INFO DES MéDIAS
Les métiers du journalisme sont-ils vraiment en voie d‘ubérisation ?
Le numérique change les méthodes de travail des journalistes, le web est omniprésent et les rédactions doivent par conséquent réagir toujours plus vite pour capter l’attention. La monétisation de l’info est devenue également un enjeu majeur pour de nombreuses entreprises relevant du secteur de la presse, bouleversant ainsi les business models traditionnels.
Pour préserver leur objectivité et leur indépendance vis-à-vis des politiques et de l’argent, de plus en plus de médias s’orientent vers de nouvelles formes de financement pour diversifier leurs sources de revenus et ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Si certains organismes en appellent aux dons et contributions financières des utilisateurs, d’autres, comme l’Express, visent à recruter des abonnés numériques via mobile. Dans ce contexte de forte concurrence, l’ubérisation du journalisme s’impose également comme une option à ne pas négliger. Comment ubérisation et blockchain sont en train de transformer le paysage médiatique en France et dans le monde ? Voici des éléments de réponse !
Les métiers du journalisme sont-ils ubérisables ?
Les GAFA poussent sans cesse l’expérience utilisateur en offrant notamment un accès plus simple et plus rapide à l’information. Ils ont ainsi réussi à se positionner entre l’organisme de presse et le lectorat. Désormais, Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux sont aux organes de presse ce qu’Uber et les autres marketplaces sont à l’hôtellerie, au transport des personnes et au service à la personne. Facebook propose Instant Articles, un service qui permet aux médias d’intégrer des articles sur leur page. Outre l’accroissement du nombre de lecteurs grâce aux partages sur les réseaux sociaux, ce service permet d’augmenter l’audience et par ricochet les recettes publicitaires. On peut citer également le modèle SFR Presse, également adopté par Bouygues Telecom, qui propose deux offres : un abonnement numérique à dix-huit journaux ou une box internet accompagnée de ce même abonnement. Grâce à cette forme d’ubérisation, GAFA et opérateurs télécoms parviennent ainsi à accaparer progressivement l’essentiel des revenus publicitaires des annonceurs.
Mais peut-on parler d’ubérisation des métiers du journalisme quand on sait que de nombreux journalistes n’ont pas attendu l’avènement des marketplaces pour travailler à leur propre compte et collaborer avec différents organismes de presse en tant que pigistes, rédacteurs web freelance, reporters locaux, etc. ? Dans une phase de post-ubérisation, les marketplaces présentent-t-elles un quelconque intérêt pour les journalistes ? L’ubérisation a, certes, permis à des journalistes freelance d’accéder à de véritables compléments de revenus, mais la blockchain, elle, va encore plus loin en affranchissant les journalistes freelance des intermédiaires. Même si beaucoup de questions concernant l’adoption de cette technologie restent à résoudre, le potentiel est là, et il est prometteur.
Le journaliste, entre ubérisation et blockchain
Les débuts de la blockchain remontent à 2008. Quatre ans après la création de Facebook par Mark Zuckerberg, et alors qu’éclatait la crise économique mondiale, un certain Satoshi Nakamoto a levé le voile sur son projet de monnaie électronique, le bitcoin. La première version de cette cryptomonnaie verra le jour un an plus tard. Sa capacité à éliminer les tiers lors des transactions monétaires a mis la puce à l’oreille des banques et autres institutions financières qui ont commencé à s’y intéresser de plus près. Le bitcoin est basé sur la blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe central de contrôle. Elle constitue en effet l’architecture sous-jacente du bitcoin. Mais même si les banques sont les plus exposées aux répercussions de cette technologie, celle-ci a étendu ses tentacules à de nombreux secteurs, dont le journalisme, notamment aux Etats-Unis. C’est ainsi que des plateformes comme Steemit.com, alimentée par la blockchain Steem et la cryptomonnaie du même nom, ont vu le jour. Steemit récompense en effet les journalistes qui publient du contenu monnayant des steems, qui peuvent être échangés contre des bitcoins au sein de la plateforme. L’accès au contenu est bien évidemment payant.
Une autre plateforme similaire baptisée DECENT se présente comme un distributeur décentralisé de contenus. Elle s’adresse aux journalistes et blogueurs qui souhaitent publier des contenus sans risque de censure. Comme dans Steemit, les auteurs sont également rémunérés sans intermédiaire. Au niveau des médias audiovisuels, citons SingularDTV, une plateforme de contenu numérique basée sur la blockchain Ethereum. Elle permet aux artistes et producteurs de films, documentaires, etc. de « tokeniser » leurs productions, c’est-à-dire les créer et les revendre sans intermédiaires et être payés en cryptomonnaies. La plateforme offre également au public la possibilité de soutenir financièrement un artiste, avec un retour sur investissement si le succès est au rendez-vous. Cette dynamique pousse certains observateurs et analystes à prédire l’émergence, dans les quelques années à venir, de grandes plateformes fédératrices, qui « désintermédieront » les médias. Les méthodes employées ne doivent néanmoins par faire l’impasse sur l’éthique censée encadrer le travail des journalistes et les comportements des organismes de presse. Parallèlement à cette ubérisation galopante, il revient au consommateur de prendre le temps de vérifier les sources pour ne pas tomber dans le piège de la désinformation ou de la propagande.
L’évolution de la profession est passionnante ! Les opportunités pour les jeunes lauréats journalistes se multiplient, et l’ISCPA les forme pour aborder le marché de l’emploi dans les meilleures dispositions !